vendredi 28 décembre 2007

Les voeux de l'Echo de la Fabrique en 1832 et 1833

LYON. LE 1er JANVIER 1832
Ce jour, lorsque nos manufactures prospéraient, était un jour de fête pour chaque famille ; aujourd'hui il ne leur reste plus que de tristes souvenirs. Cependant tout n’est pas perdu, et nous pouvons, ouvriers, chefs d'ateliers et négocians, nous livrer à l'espérance. Avec les institutions qui nous régissent, la France manufacturière peut être encore sans rivale, comme elle peut être, avec le trône des barricades et son drapeau, la première et la plus puissante des nations. Nous croyons, au commencement d'une nouvelle année, pouvoir répéter ce que nous avons dit tant de fois : Il faut que tous les hommes se tendent la main ; que le passé s'oublie ; que l’ouvrier, le chef d'atelier et le fabricant, dont les intérêts sont liés, fassent le sacrifice de tout ressentiment personnel pour l'intérêt de tous, afin que la paix, la concorde et la confiance se rétablissent pour durer éternellement entre des classes dépendantes les unes des autres.
Pour nous, empruntant un langage qu'un vieil usage a consacré, nous allons faire des souhaits ; puissent-ils s'accomplir pour le bien de l'humanité !
Nous souhaitons à M. le président du conseil des ministres qu'il connaisse les véritables causes de la misère des ouvriers de Lyon, et y porte remède.
Nous souhaitons à tous les préfets de mériter le titre glorieux que M. Du Molart a acquis parmi nous, de père des ouvriers.
Nous souhaitons à M. le maire de Lyon toute l’impartialité que commande le caractère dont il est revêtu, et surtout que si on lui demande de permettre la vente publique de la justification d'un ex-premier fonctionnaire il ne la refuse pas ; car il serait bien charmé qu'en pareil cas on permit la vente publique de la sienne, ce que nous ne lui souhaitons pas. Mais, dans ce siècle, qui peut compter sur la stabilité des places ?…
Nous souhaitons au député qui prétend que l'ouvrier peut vivre avec vingt-huit sous par jour, qu'il prenne pour lui cette somme et donne le superflu de ses revenus aux malheureux dont il n'a pas craint de mettre en doute la misère.
Nous souhaitons que les négocians honorables qui ne spéculent point sur la faim de l'ouvrier se fassent connaître, afin que chacun les comble de ses bénédictions.
Nous souhaitons que le petit nombre de négocians déhontés, vrais parasites commerciaux, soient démasqués et flétris par la réprobation publique.
Nous souhaitons aux ouvriers que, par le tarif ou la mercuriale, ils voient enfin cesser cet état de détresse où l’égoïsme les a plongés.
Nous souhaitons aux philanthropes qui, dans des jours de deuil, ont tendu une main bienfaisante aux infortunés ouvriers, que leurs noms nous soient connus, afin que nous puissions les publier et les transmettre à nos neveux comme des modèles d'humanité.
Nous souhaitons que toutes les âmes généreuses, dans quelque classe qu'elles se trouvent, se réunissent pour faire cesser toutes les dissensions civiles ; dussent les ennemis de la France et de nos institutions en mourir de dépit.
Nous souhaitons que le commerce reprenne toute sa splendeur ; que Lyon redevienne, pour la soierie, le magasin du monde, et fasse, par son industrie, la gloire de la France.
Nous souhaitons, enfin, aux journalistes moins de procès et surtout point d'incarcération ; car ils ont à souffrir assez d’autres petites tracasseries.

1er Janvier 1833.
Bon jour ! Bon an !
Salut ! puissant Janus, qui de ton double visage regardes avec regret l’année qui fuit pour rejoindre les sœurs qui l’ont précédée et sont inhumées dans le vaste tombeau de l’éternité, et contemples avec joie la jeune année qui s’avance pure de tout souvenir fâcheux, belle d’espérance et peut-être d’illusions.
Bon jour, bon an, citoyens ! Aux hommes heureux la continuation de leur bonheur ! Aux hommes malheureux l’adoucissement de leurs maux !… A tous la santé ; l’homme riche en a besoin pour jouir de sa félicité, comme le pauvre pour supporter sa misère. A vous, prolétaires, du travail et une place au festin dont vous n’avez ramassé jusqu’à ce jour que quelques miettes… Des droits en échange de vos impôts… Votre émancipation s’approche… Vous commencez à y croire ; c’est beaucoup ; ailleurs on la redoute, c’est encore quelque chose.
Le siècle, aujourd’hui, prend l’âge où Jésus Christ commença sa divine prédication. Lorsque le monde l’eut entendue, l’esclavage fut aboli ; oh ! si vous saviez ce qu’était l’esclavage ! le prolétaire au moins est matériellement libre ; croyez-vous qu’il soit plus difficile de rompre les chaînes qui attachent le prolétaire, que celles qui étreignaient l’esclave ? Oh ! non. Eh bien, Thomas de la civilisation, cessez d’être incrédules. L’œuvre commencée par le démocrate de Galilée, approche de sa fin. Plus de privilèges, plus de monopoles, plus d’impôts abusifs et onéreux. Proclamons pour mil huit cent trente-trois :L’émancipation physique et morale des prolétaires.

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